Randonner avec une valise
Randonner avec une valise
C’est de mon fils de six ans qu’est venue l’idée. Un jour, alors que je lui demandais d’ajouter son doudou, sa casquette et son couteau de poche dans son sac à dos déjà bien rempli, il m’a demandé: «Maman, pourquoi est-ce que les gens ne randonnent pas plutôt avec une valise à roulettes? Ils se feraient moins mal au dos.»
Pourquoi pas, en effet? Un samedi matin au petit déjeuner, me voilà le nez collé à la carte topographique, en train de déterminer quel itinéraire – pas trop éloigné de mon domicile bernois – se prêterait le mieux à l’exercice. Il s’agit de trouver une excursion à la fois attractive et se déroulant sur un terrain peu accidenté. Une longue boucle au bord de l’Aar me semble être l’option idéale. Je m’empresse de préparer mes affaires. Ma propre valise me paraissant disproportionnée, j’emprunte celle de mon fils.
Drôle d’impression que celle de paqueter à l’horizontale plutôt qu’à la verticale. Et de ne pas lancer pêle-mêle crème solaire, veste Gore-Tex et protection pluie au fond du sac, mais de les déposer délicatement dans les divers compartiments de la valise. Les choses se compliquent lorsque je dois caser cette dernière sur le porte-bagages de mon vélo. Durant la petite demi-heure de trajet qui me sépare du camping d’Eymatt, mon deux-roues penche dangereusement sur le côté.
Lorsque j’attaque la randonnée après ce trajet d’approche sportif, je suis enchantée d’avoir – pour une fois – le dos bien sec. Le chemin est large et plat et j’avance d’un bon pas malgré les graviers qui se coincent de temps à autres dans les roues de mon bagage. Seul le regard étonné, voire insistant, des autres promeneurs me rappelle que je suis une marcheuse un peu particulière. Il faut dire qu’avec mes vêtements fonctionnels et ma valisette ornée d’autocollants figurant des animaux et des véhicules de chantier, j’ai fière allure. Je lève la tête bien haut et marche d’un pas encore plus déterminé, l’air aussi naturel que possible. Je m’offre même le honteux plaisir de dépasser bruyamment – ma valise est tout sauf silencieuse – un couple de marcheurs qui semblent ployer sous le poids de leurs sacs à dos.
Une demi-heure plus tard, difficile de continuer à afficher cet air détaché: je me trouve au pied d’un long – et raide! – escalier. Visiblement, en consultant la carte, j’ai accordé trop d’importance à la largeur des chemins de randonnée et pas assez à leur structure. Je rentre le bras télescopique de la valise, soulève mon chargement par la poignée et attaque l’ascension. Vingt marches plus tard, je suis en nage. Mais pourquoi donc ne me suis-je pas délestée de mon pique-nique sur le joli banc que j’aperçois en contrebas? Triste ironie, même mon dos est trempé de sueur. Et pour couronner le tout, les deux randonneurs précédemment dépassés me doublent à leur tour. Parvenue en haut de ce qui m’a paru être le célèbre escalier de service du funiculaire du Niesen, je me résous à enlever ma polaire mouillée, quitte à charger encore plus mon bagage. Sur le point de la fourrer en boule dans la valise, je me ravise et entreprends de la plier soigneusement, avant de la ranger.
commentaires
aucun commentaire pour l'instant