Participer au marathon de la Jungfrau
Participer au marathon de la Jungfrau
Il y a celles qui s’offrent une Porsche. Moi, pour mes 40 ans, j’ai décidé de participer au marathon de la Jungfrau. Je me vois encore ce 14 février 2020 à 8h58 du matin, le nez collé à mon laptop, attendant l’ouverture des inscriptions. Le marathon de la Jungfrau, c’est un peu comme le Paléo festival: les billets partent comme des petits pains.
Ce n’est pourtant qu’un an et demi plus tard que je me suis retrouvée sur la ligne de départ, les jambes flageolantes. La pandémie liée au Covid-19 était passée par là, obligeant les organisateurs à annuler l’édition 2020. Un report synonyme chez moi de manque de motivation et d’entraînement. Entre nous soit dit, j’ai même failli laisser tomber l’affaire. Mais un ami m’a convaincue in extremis, décrétant qu’après tout, «il suffit d’être capable de courir un demi-marathon presque à plat entre Interlaken et Lauterbrunnen, puis de faire une (longue) randonnée (comportant 2000 mètres de dénivelé positif) jusqu’à Eigergletscher». Vu comme ça, en effet…
Retour au jour J: situation sanitaire oblige, le départ a lieu sur la piste de décollage de l’aéroport d’Interlaken. Une entrée en matière on ne peut moins bucolique pour l’auto-proclamé «plus beau parcours de marathon du monde». En lieu et place des accordéons et yodleurs auxquels je m’attendais, une énorme sono crache «The final countdown» d’Europe. Pressée d’en finir, je m’élance telle une fusée lorsque retentit le coup de pistolet. Avant de me rappeler que si je veux tenir six heures, il s’agit d’y aller mollo jusqu’à Lauterbrunnen.
Je ralentis la foulée et tente de suivre le conseil griffonné sur une pancarte par un spectateur: «Prenez du plaisir, vous avez payé pour ça!» J’engage la conversation avec d’autres participants, tape dans les mains que tendent des enfants au bord du parcours et me fais un devoir de tester chacun des nombreux stands de ravitaillement. Une formule gagnante, puisque j’arrive relativement peu essoufflée au kilomètre 25, qui marque la fin de la partie «jogging» de mon aventure. Le hic? Outré d’avoir dû digérer autant d’asphalte, mon genou droit se rebelle. Et bloque net. Mon espoir de boucler la course en prend pour son grade, tout comme mon moral.
J’ai crié défaite trop vite: un stand de massage placé stratégiquement juste avant le début de la montée vers Wengen me tend les bras. On m’invite à m’asseoir et on m’apporte même un verre d’eau. Je me laisse dorloter. Après tout, je ne suis pas à 15 minutes près. Bien m’en prend: mon genou accepte de se remettre en mouvement. A la condition que je ne coure plus du tout. Je déclare donc officiellement ouverte la partie «randonnée» de la journée et pour fêter cela, je sors de mon mini-sac à dos mes lunettes de soleil.
Deux heures plus tard, mon humeur est moins festive. Dix-sept kilomètres de montée non-stop, c’est long. Surtout lorsqu’un panneau vous indique tous les 250 mètres… que vous n’avez parcouru que 250 mètres depuis le panneau précédent. Reste qu’il y a tous ces petits instants magiques qui permettent de franchir la ligne d’arrivée alors que les jambes et la tête crient au scandale. Comme ce coureur qui, au kilomètre 34, s’est mis à chanter à tue-tête en néerlandais pour se donner du courage. Ou cet improbable concert de cornemuses à plus de 2000 mètres d’altitude, sur la moraine du glacier. Alors, pour mes 50 ans, Porsche ou marathon de la Jungfrau? Bah, j’ai neuf ans pour y réfléchir.
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